Pouvoir être au bon endroit au bon moment est la règle d’or du berger qui pratique la transhumance et il en a été ainsi pendant des siècles. Mais les temps changent aussi pour les troupeaux des Bardenas.
De nos jours, la transhumance des troupeaux dans le désert des Bardenas réside dans l’équilibre entre les terres cultivées et les terres en friche, mais cela ne s’est pas toujours passé ainsi.
Les Bardenas ont été pendant des siècles une importante zone de pâturage et de transhumance. Entre les mois d’octobre et de juin, bergers et troupeaux (des brebis essentiellement) originaires des vallées pyrénéennes et des alentours passaient environ huit mois dans ce désert et cela depuis le IXème siècle pour les troupeaux de la vallée du Roncal et depuis le XVIème pour ceux de la vallée de Salazar. Les troupeaux originaires de ces deux vallées remontaient ensuite dans les Pyrénées quand la neige avait fondu. Les troupeaux des terres environnantes qui se rendaient dans la Bardena pendant l’hiver, descendaient ensuite dans les terres irriguées: la transhumance était vitale pour la survie d’une économie fondée sur l’élévage.
Rien qu’entre la vallée du Roncal et les Bardenas, sur les chemins de la transhumance, on pouvait compter jusqu’à 90.000 têtes de bétail. Ces déplacements massifs de brebis et des bergers ont donné lieu à deux grandes pistes de transhumance entre les Bardenas et les vallées du nord : la Cabaña Real de los Roncaleses et la Cañada Real de Murillo ou « Salaceca », qui font aujourd’hui la joie des cyclistes, des chevaliers et des randonneurs qui les utilisent pour explorer le paysage des Bardenas.
Aujourdhui, la transhumance s’effectue surtout sur des terres cultivées, lesquelles ne sont effectivement cultivées qu’une année sur deux. Cela donne lieu à un échiquier de parcelles où s’alternent terres cultivées et terre en chaume. Puis, on laisse passer l’hiver sans labourer la terre de manière à ce que les brebis puissent s’alimenter des graines qui restent de la récolte effectuée en juin et de la nouvelle végétation qui pousse pendant l’hiver.
Cette transhumance des terres cultivées aux terres en friche vit aujourd’hui des moments difficiles car la communauté qui gère les ressources des éleveurs et des agriculteurs vient de changer les règles traditionnelles de transhumance au nom d’une gestion optimale des espaces.
Les 42.000 ha des Bardenas ont été divisés en 87 districts d’élevage dont chacun correspond à une exploitation qui doit se plier aux nouvelles normes d’un usage rationnel et durable des pâturages. La première conséquence est que les troupeaux ne peuvent plus se promener librement dans l’ensemble des Bardenas et doivent rester à l’intérieur de l’une de ces 87 divisions, mettant ainsi en danger la survie même de la transhumance. Mais, heureusement, les visiteurs peuvent se promener librement au long de deux grandes voies de transhumance du passé et bien d’autres chemins empruntés autrefois par les troupeaux de brebis.